Synode 2018: Intervention de Mgr Luc Cyr
Crédit photo: AÉCQ
La XVe assemblée générale ordinaire du Synode des évêques sur le thème
Les jeunes, la foi et le discernement vocationnel
Mgr Luc Cyr, archevêque de Sherbrooke
Jeunes et discernement vocationnel
(Instrumentum laboris #65)
Signe de l’amour de Dieu au coeur du monde, l’Église doit s’efforcer d’entrer en relation avec le plus grand nombre possible de jeunes. En effet, trop d’entre eux n’ont aucun rapport avec elle. Ils ne nous connaissent pas et nous les connaissons assez mal.
Cet état de fait doit nous préoccuper. Car, en toute logique, avant d’en arriver à proposer l’interpellation et le discernement vocationnels, nous, comme pasteurs, mais aussi toute l’Église comme corps vivant, nous devons veiller à marcher avec les filles et les fils de notre temps.
Pour établir le dialogue avec la jeunesse, nos Églises particulières, nos paroisses et les mouvements ecclésiaux doivent investir dans la pastorale auprès des jeunes familles, des enfants, des adolescents et des jeunes adultes transformant nos façons d’être et de faire. Des centres d’animation pour jeunes et étudiants doivent aussi être développés. Et, sans tarder, il convient de mettre aux avant-postes des témoins fiables – idéalement des jeunes adultes – qui seront en mesure de devenir des interlocuteurs et des modèles pour les enfants et les adolescents. Mais pour les mettre de l’avant, il faut reconnaître les jeunes qui s’impliquent actuellement. Les accueillir tels qu’ils sont et les encourager.
Parfois, avec certains, filles et garçons, grâce au travail de l’Esprit Saint, la relation avec l’Église ouvre sur l’interpellation et le discernement vocationnel. Dans ces cas, il faut tout mettre en oeuvre pour que la liberté des jeunes soit respectée. En effet, dans quelques milieux – souvent ceux où les vocations spécifiques sont plus rares – il est apparu que l’exploration vocationnelle n’a pas été faite dans des conditions favorisant un choix éclairé. Insérés trop rapidement dans des communautés où le cadre de vie laissait peu d’espace à la liberté et à l’autonomisation, certains jeunes ont ressenti une forme de pression dont ils n’ont osé s’affranchir qu’au tournant de la trentaine ou de la quarantaine. Pour qu’un discernement sain s’opère, il convient que les mécanismes d’encadrement soient bien connus de celles et ceux qui sont en cheminement, que des possibilités de consultation indépendantes soient mises à leur disposition, que les liens avec leur famille soient maintenus, qu’une diversité d’expériences humaines et spirituelles soient possibles… Et, avant tout, il importe de redire à toutes et à tous que le Seigneur appelle dans la liberté et à la liberté.
En plus d’être sous le signe de la liberté, la relation que nous établissons avec la jeunesse devrait être caractérisée par un rythme moins effréné que celui de la société où nous baignons. Le monde actuel est tellement axé sur l’instantanéité, il crée tellement d’anxiété, il fait une telle place à la performance, il donne tellement lieu à la culture du provisoire… Pourquoi, en Église, ne proposerions-nous pas un rythme différent favorable à l’établissement de liens de confiance pour réaliser un profond dialogue.
En effet, notre Église ne peut se contenter d’être présente aux côtés des jeunes. Plus que jamais, elle doit se faire attentive à leurs aspirations formelles et informelles. Elle a à les écouter quand ils se disent et ce, sans jugement. Quand ils parlent de leur héritage familial souvent marqué par les ruptures et les souffrances; de leur cercle d’amis où la drogue, l’alcool, la sexualité pèsent lourd; de leurs attentes humaines et professionnelles, etc. Avec les jeunes, elle doit décoder les aspirations profondes qui se cachent derrière des pratiques actuelles comme le tatouage, la fréquentation des réseaux sociaux, le désir de voyager, l’engagement humanitaire, l’écologie… Dans une posture d’humilité, nous devons réaliser que l’Église comprend parfois mal les jeunes et qu’elle a tendance à négliger leurs demandes sous prétexte d’avoir des choses à leur apprendre. Les jeunes ne sont pas des destinataires de notre charité, des personnes de plus à évangéliser qui entreront silencieusement dans nos rangs. En acceptant réellement un jeune, nous acceptons son bagage, sa réalité, nous acceptons aussi que l’Église change et évolue. Accepter qu’ils ouvrent des chemins différents pour nos communautés chrétiennes.
Il convient enfin de nous demander si nous savons mettre de l’avant les dons inestimables que l’Église peut faire aux jeunes aujourd’hui. Les jeunes savent-ils que l’Église peut les aider à trouver des racines qui les aideront à croître harmonieusement et qu’elle offre un tissu communautaire favorable à leur épanouissement? Les jeunes savent-ils que, comme eux, l’Église, par la force de l’Évangile, appelle à l’engagement en faveur des démunis et des sans-voix? Qu’elle a, comme plusieurs d’entre eux, une préoccupation marquée pour l’environnement et le respect de la nature. De là, le défi d’avoir un langage adapté et de faire route avec les jeunes pour nous enrichir réciproquement.
Nous ne pouvons être privés plus longtemps d’une présence significative des jeunes adultes et d’adolescents dans la vie de l’Église. Il ne s’agit plus de réfléchir au fossé qui s’est élargi entre les générations, il convient maintenant de mettre de l’avant des initiatives permettant aux jeunes de prendre la part qui leur revient à la construction d’une Église qui soit signe de l’amour de Dieu au coeur du monde. Ensemble toutes générations confondues, soyons disciples à l’école de Jésus, le Maître.